mardi 10 avril 2012

Notre école est suffisamment mal en point (1)

Le SNES, syndicat enseignant majoritaire dans le second degré, vient d'appeler à la défaite de Nicolas Sarkozy. Dans sa réaction à cet appel, le ministre de l'Education Nationale, en continuité au discours anti-syndical du président-candidat, veut faire croire à la politisation extrême des syndicats et des enseignants. Pourtant la réalité montre une dépolitisation massive des fonctionnaires de l'EN: un taux de syndicalisation en baisse, une mobilisation pour les journées d'action peu élevée... L'excuse de l'anti-sarkozysme primaire des profs ou de leur socialisme corporatiste ne vaut pas grand chose.
Non, ce coup de communication du SNES - c'en est tout de même un - est l'expression du rejet par la profession, non pas de la droite, mais des politiques menées par ce gouvernement depuis 5 ans.
Les enseignants font un amer double constat, pédagogique et corporatiste, d'une déliquescence de la qualité du service, des services, rendus aux élèves et d'une déconsidération de leurs statuts par leur ministère de tutelle.
Pour montrer que ce constat est fondé et ne constitue pas une lubie de fonctionnaires, paresseux, dépassés et hostiles au changement, nous passerons des chiffres aux exemples pour faire partager l'idée suivante aux parents, enseignants et citoyens: notre Ecole a été suffisamment mise à mal ces cinq dernières années ! 

 NB: Le tout en plusieurs parties, le bulletin scolaire du quinquennat mérite plus que quelques lignes...



1. Se justifier par la dette pour ne pas afficher ses choix

Avant cela, évacuons la question de la dette comme excuse répétée à toute mesure touchant l'Ecole.
Le non-remplacement de 15 000 fonctionnaires par an constitue une économie de 500 millions d'euros toutes charges comprises. Pour un chiffrage complet, ce lien donne les chiffres pour le maintien de la règle du non-remplacement d'un fonctionnaire sur 2, au collège et au lycée pour le prochain quinquennat.
500 millions pour 15 000 postes et Copé voudrait nous faire croire que la proposition de remettre 60 000 postes serait irresponsable.
La refonte de l'ISF avec suppression du bouclier fiscal a coûté 1.3 milliard par an. Il faut donc 4 années consécutives de suppression de 15 000 postes par an pour avoir un coût comparable total des 2 mesures : 0.5 + 1 + 1.5 + 2 milliards soit 60 000 postes. Si, si, faîtes le calcul.
Il s'agit donc d'un choix idéologique. Réduire la taille de l'Etat, le nombre de ses agents, le montant de ses impôts pour libérer l'économie: un vrai choix de doctrine néolibérale qui a pourtant montré toute son inefficacité, sa nuisibilité.
Mais le choix idéologique se confronte à la réalité de la classe. Pour assurer les cours devant nos élèves, les non-remplacements sont compensés par des embauches de contractuels ou des heures supplémentaires des titulaires. Conséquence, une augmentation du coût des heures supplémentaires (défiscalisées) de 120 à 150 millions d'euros par an. En 2009, pour 400 millions d'euros d'économie annoncés, la réalité de l'économie en fin d'année était de 140 millions d'euros. Pour être objectif, il faudrait parler de la "revalorisation" des enseignants de début de carrière, mais nous y reviendrons.


2. Le bilan des effectifs enseignants et élèves sur le quinquennat

Alors cette réalité ? Comment tourne la maison Education Nationale avec 10% d'effectifs en moins ?
Oui, 10%. 79 000 suppressions de postes sous la présidence Sarkozy, rentrée 2012 incluse, près de 100 000 depuis les débuts en la matière des gouvernements Villepin, pour un effectif de 850 000 enseignants.

Commençons par le plus gros mensonge de cette campagne: l'EN tourne bien puisque les effectifs élèves ont diminué. Enorme mensonge qui vaut à lui seul la pôle-position du bobaromètre. Heureusement que l'information citoyenne veille. Les déchiffreurs de l'Education dressent un tout autre bilan, bien mieux documenté, du quinquennat. Depuis 2007, les effectifs scolaires remontent, si bien qu'à chaque élève supplémentaire inscrit, les ministres Darcos et Chatel ont supprimé un poste d'enseignant !

Attardons-nous sur ce collectif des déchiffreurs de l'Education qui montre à lui seul le climat délétère de la maison EN. Ce collectif, en conflit ouvert avec le ministère, fustige "le blocage des statistiques réalisées par les professionnels de la statistique publique", le rôle de juge et parti des ministres qui mettent en avant leur propre outil statistique d'évaluation de leur politique ou... font appel à des organismes privés pour boycotter les services publics compétents ! Rien que ça et ce collectif regroupe les principaux syndicats des instituteurs, des professeurs et des chefs d'établissement (!), plus des chercheurs en sciences de l'éducation, des responsables en statistiques publiques mais aussi... la FCPE, principale fédération de parents d'élèves, la Ligue de l'Enseignement. L'unanimité contre soi, le ministère s'en approche.

Moins de profs, plus d'élèves... donc les effectifs par classe augmentent. Dans ce domaine, nous avions peu de marge: le taux d'encadrement des élèves en France est le plus faible de l'OCDE ! Dans la moyenne pour les collèges et lycées, la France est complètement larguée pour le primaire. Un enseignant pour 19.9 élèves contre 14 et 12 en Finlande et en Suède en 2010.


1 commentaire:

  1. Est-ce le rôle d'un syndicat de donner des consignes de vote aux présidentielles? La question était déjà cruciale avec l'appel au vote Chirac en 2002. Elle l'est toujours et encore aujourd'hui lorsque l'UNEF ou le SNES font ouvertement état de leur proximité avec le PS.

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